De la terminologie

mars 16, 2012

Près de quatre mois se sont écoulés depuis la dernière fois où j’ai posé des mots sur ces pages vierges. Quatre mois au cours desquels j’ai observé la succession quotidienne d’évènements toujours plus farfelus. L’an 1 de l’ère du jasmin ne sent pas forcément la rose.  Les clivages s’intensifient  sur bon nombre de sujets : politique, société, identité, religion, culture… Les débats ont vite laissé place aux confrontations frontales, au dénigrement et aux bassesses.

Les tunisiens sont incertains quant à l’avenir ; une incertitude alimentée par l’incapacité des réseaux d’informations à se défaire de leurs approches subjectives et de leurs petits calculs malhonnêtes. Il est clair qu’entre l’amateurisme des médias traditionnels et les déjections facebookiennes des pages « révolutionnaires », il y a maintes raisons de se sentir perdu. Au-delà du foisonnement frénétique de news saugrenues, il y a, à mon avis, un phénomène qui témoigne de l’enlisement de ces canaux informatifs : le recours à une terminologie arbitraire et très souvent ségrégationniste.

Cette manie d’évoquer les choses en employant des désignations particulières, a débuté tout juste après le 14 janvier.  Il est tout à fait normal que l’euphorie de la révolution apporte avec elle son lot de termes. Ainsi, c’est avec délectation que l’on a usé des termes « déchu » (المخلوع) pour désigner l’ancien despote, ou encore (البائد) pour souligner l’effondrement du régime. Puis on a fait l’éloge de la révolution « bénie », (المباركة) et « glorieuse » (المجيدة) et de ceux qui se sont battus pour le travail, la liberté et la dignité (ابطال الثورة). On s’est méfié des « intrus » (المندسين) on a parlé de miliciens (الميليشيات), des bandes cagoulées (العصابات الملثمة), on s’est cloîtré lors du couvre-feu (حضر جولان) et on a vainement cherché les snipers (القناصة).

Mais au fil des mois, nous nous sommes inexorablement cantonnés et cloisonnés dans un jargon « révolutionnaire » stéréotypé ; les belles paroles scandées par cette jeunesse désespérée ont perdu de leur éclat pour se transformer en credo désuet. Matraquée par des opportunistes sans scrupules (الركوب على الأحداث) et d’anciennes figures du régime de Ben Ali, la terminologie du 14 janvier s’est muée en nuisance, imprégnée d’une connotation malsaine qui nous rappelle les anciennes méthodes de désinformation : (ثورة التغيير و الإنتقال للفرح الدائم) la révolution du changement et de la transition vers le bonheur perpétuel.

Après les élections de l’assemblée constituante, le phénomène s’est encore plus aggravé. Les enjeux électoralistes ont imposé aux tunisiens une confrontation féroce. Depuis des mois, une bataille de désinformation et de diffamation fait rage sur les réseaux sociaux. Une nouvelle terminologie est apparue sur les pages facebookiennes, avec deux objectifs primordiaux : décrédibiliser et salir les opinions divergentes dans un premier temps, pour ensuite faire la chasse aux « Likes », attirer une grosse audience et concrétiser une logique mercantile. Cette terminologie particulière est attisée principalement par la « lutte » identitaire. Les « défenseurs » de l’identité arabo-musulmane, les rats d’Ennahdha (جرذان النهضة), les ignorants (المتخلفين), les obscurantistes (الظلاميين), les collabos du Qatar (عملاء قطر), les partisans du « espèce de mécréant » (أصحاب التكفير و التكبير), les barbus (البولحية), les bandes salafistes terroristes (العصابات السلفية الإرهابية) s’opposent aux « droit-de-l’hommistes », les déchets de la francophonie (حثالة الفرنكوفونية), les orphelins de Ben Ali (ايتام بن علي), les résidus du régime déchu (بقايا النظام البائد), les sionistes maçonniques (الصهاينة الماسونيين), les partisans de Aânnaqni (en référence à la manifestation Aâtaqni) (أحباء عنقني), les 0,..% (جماعة الصفر فاصل), la saleté laïque ennemie de l’Islam (الشلائكية عدوة الإسلام).

Ce que je déplore le plus, c’est l’intégration de cette bassesse terminologique dans l’imaginaire collectif tunisien. La population a conféré inconsciemment une vraie portée à ce jargon de déni. Pire encore, les fameux médias tunisiens, connus pour leur tact et leur respect de la déontologie, se sont emparés de ces codes (certes utilisés de manière indirecte). On catégorise les individus, dans cette Tunisie post-révolution. On se permet d’utiliser le terme « barbu » (ملتحي) (Attention : lien Business News !)  pour désigner une personne. Et pourtant je n’ai lu nulle part le mot « imberbe » pour décrire le protagoniste de tel ou tel fait de l’actualité. Le président de la république Moncef Marzouki, qui lui-même a hérité de la mention « temporaire » (المؤقت), catégorise la gente féminine et instaure le clivage niqabées, voilées et non-voilées (المنقبات و المحجبات والسافرات).

Plus d’un an après la fuite de Ben Ali, les réflexes hérités sous l’ancien régime persistent encore avec une mentalité « virage de stade » qui s’est malencontreusement superposée à des sujets déterminants pour l’avenir du pays. On voit aujourd’hui une Tunisie en patchwork ; mais au lieu de fêter la diversité d’un peuple et la richesse de ses origines, on fustige la différence et on dénigre ceux qui ont une opinion divergente. Une chose est sûre, le futur nous apportera sans doute de nouvelles terminologies qui, encore une fois, influeront sur l’évolution de ce pays.

Ils ont voté pour ce parti (portraits)

novembre 3, 2011

Disclaimer : si vous cherchez des propos objectifs, passez votre chemin.

Deux semaines quasiment après s’être soulagés dans les urnes, les tunisiens parlent encore et toujours de ces élections. Les pronostics ont laissé place aux spéculations quant à savoir qui va s’allier avec qui, et qui va convaincre qui pour faire front contre qui ou quoi…

Et puis ces élections ont été l’occasion de découvrir la passion des tunisiens pour les maths, surtout lorsqu’il s’agit de se rassurer avec des calculs ubuesques: « c’est vrai, ils ont décroché 3 sièges. Mais si on additionne le pourcentage de votants et qu’on soustraie le coefficient intellectuel de chaque responsable de bureau de vote multiplié par l’abstention dans les agglomérations de plus de 10000 habitants dont l’âge des électeurs varie entre 18 et 35 ans, on se rend compte qu’ils n’auraient pas pu avoir ces 3 sièges s’il avait plu ce jour là ».

Tout d’un coup on s’est mis à voir la population tunisienne en termes de voix, de sièges et de pourcentages. On a oublié que derrière ces statistiques et ces estimations se cachent des femmes et des hommes (et peut être des morts). Je vous invite donc à découvrir les portraits de quelques personnes qui ont contribué à la victoire de ce parti (dont je tairai le nom). Peut être que vous vous reconnaitrez, peut être pas, mais si vous vous reconnaissez là dedans ce n’est que pure coïncidence.

Le frustré

Jeune homme, entre 25 et 35 ans, a fait de bonnes études, a un travail stable, plutôt cultivé. Autrefois, il aimait faire la fête et avait même un gout prononcé pour l’alcool. S’est tourné un jour vers la religion et y a trouvé son compte auprès de personnes sans doute moins instruites que lui. Il a évolué ces dernières années dans un cocon de prosélytisme religieux. Entouré par ses frères à qui il dicte toute sa frustration de ces filles qui s’habillent comme des catins, qui boivent et fument en public, ces filles qui un jour l’ont ignoré et rabaissé. Il exprime sa haine de ces fils à papa qui, eux, ont eu la chance d’avoir l’argent et les belles voitures, et qui pour lui ont tous profité du système Ben Ali. Son vote est un acte de djihad contre la déchéance d’une société à la merci de ces infidèles francophiles qui veulent se promener à poil dans les rues, bouteilles de vodka à la main, brulant et détruisant les mosquées.

L’épouse de l’alcoolique 

Femme entre 40 et 55 ans. Peu ou pas instruite. A épousé l’un de ses cousins à cause des pressions familiales. Elle travaille dur pour subvenir aux besoins de ses enfants, alors que son tire-au-flanc de mari passe ses journées à se saouler. Le soir lorsqu’elle refuse de lui donner de l’argent, il la bat. Une voisine du quartier lui a dit de voter pour ce parti car « il va interdire l’alcool ». Elle a donné sa voix pour ce parti, non pas pour les idées qu’il porte, mais tout simplement pour qu’elle ne se fasse plus battre chaque soir par son ivrogne de mari.

Celui qui a entendu parler de Persépolis 

Tunisien moyen, travaillant probablement dans une administration. Inconditionnel du ballon rond, de la Chicha et des parties de cartes entre amis au café du coin. Il n’est pas particulièrement porté sur la religion ni sur la politique d’ailleurs. A deux semaines du scrutin il ne sait pas vraiment pour qui il va voter car après tout « les hommes politiques sont tous corrompus ». Au café, il a entendu parler de ce film qui est passé à la télé tunisienne. On lui a dit que c’était un film tunisien, car les personnages parlaient en dialecte, et que pendant tout le film on insultait Allah et le prophète, pire on a même osé représenter Dieu pour se moquer de l’Islam. Lui, qui n’a jamais vraiment porté une attention franche à la religion et qui de temps à autres aime bien boire une bière entre amis, s’est vraiment senti blessé. Lui le fan de foot, a vu son camp se faire narguer par l’équipe adverse sur le terrain de la religion. Il a donné sa voix au, soit disant, seul parti qui base ses idées sur la défense de la religion.

Le(a) djihadiste virtuel(le)

Jeune homme/femme entre 20 et 30, étudiant(e), célibataire. Lors de son année de dérogation à la fac, il/elle passait toutes ses journées sur internet, communément appelle Facebook en Tunisie. A découvert la religion au gré des pages islamistes et des vidéos prêches qui arrivent tout droit du Moyen-Orient. Fan de Burqa, de lapidation et de mains coupées, il/elle ne conçoit la religion que dans l’aspect le plus strict. Adepte des théories du complot, il/elle a déjà regardé toutes les vidéos des Arrivés (The Arrivals). Pour lui/elle, le salut de ce monde ne peut passer que par la destruction d’Israël et des USA. Il/elle considère l’Iran comme la plus grande démocratie au monde et Ben Laden comme l’immense chef suprême. Sur Facebook il/elle pense que c’est un devoir religieux de répondre à l’appelle de ces pages qui invitent à signaler les « mécréants », et ne partage que des sourates et autres « pour réunir un milliard de personnes au nom d’Allah ». Il/elle a voté par défaut pour ce parti islamiste « trop souple », mais en espérant qu’il appliquera plus tard la vraie Charia.

Le Schizophrène

Jeune homme, la trentaine, qui a arrêté ses études à 12 ans. Il fait de petits boulots ici et là pour gagner de quoi s’acheter de l’alcool. Le soir quand il rentre chez ses parents, il s’enferme dans sa chambre pour profiter de sa bouteille de rosé et ses 4 bières. Quand il a un peu d’argent, il lui arrive de se fournir en herbe chez un gars du quartier. L’alcool est son seul exutoire. Son grand rêve : aller en Europe et se marier pour avoir des papiers. La politique, il a commencé à en discuter avec ses potes du quartier après la fuite de Zaba. Lui qui a tout le temps le mot Dieu à la bouche (surtout lorsque c’est pour sortir des insultes), est très loin d’être un adepte de la religion. Pour lui tout est question de respect : les femmes ont le droit de mettre des décolletés et des jupes, sauf lorsqu’il s’agit de sa sœur ; chaque vendredi il fait la queue au marché noir du quartier, mais pose sa bouteille de vin lorsqu’il entend au loin l’appel à la prière. Avec ses amis du quartier il est allé brutaliser des gens qui manifestaient pour la laïcité, non pas par conviction religieuse, mais juste histoire de tâter quelques fesses et faire quelques poches. Pour lui il n’y a pas de mal à faire ça, du moment que ces manifestants ont manqué de respect à la religion. Il a donné sa voix à ce parti, car il espère qu’il se fera enfin respecter dans cette société.

Régime islamiste : le bon coté des choses

octobre 16, 2011

Disclaimer : à prendre au second, voir, au troisième degré.

Une semaine, plus qu’une semaine avant l’échéance historique, celle d’une Tunisie qui passe aux urnes, qui profite de ce droit inaliénable de choisir ceux qui vont remettre cette constitution dévergondée sur le droit chemin. Mais le pays est chahuté par le doute et l’incertitude : une ombre idéologico-capillaire plane sur les esprits. L’étendard sombre de l’extrémisme religieux est entrain de provoquer une diarrhée carabinée chez certains, plus que ne l’aurait fait une épidémie de gastro-entérite.

Alors moi, l’éternel optimiste, je préfère traiter le phénomène à ma manière. Il ne faut pas se voiler la face (ou se mettre une burqa), les islamistes sont bien partis pour l’emporter et donc dans ma petite cervelle de moineau j’ai pensé aux bons aspects que pourrait avoir la société tunisienne sous un pouvoir islamiste.

Messieurs, vous serez gâtés ! 

Oubliez le temps où vous étiez obligés d’avoir deux puces téléphoniques, l’une pour votre fiancée et l’autre pour votre maitresse, jonglant entre les coups de fil pour ne pas vous tromper de prénom (l’appellation « 3azizti » reste le meilleur compromis). Cette époque est révolue ! Vous aurez désormais le droit d’avoir 4 fiancées, et ce sans rendre de comptes à personne. Après le dégroupage total, vous profiterez du groupage hallal d’Islam Telecom : 4 numéros en illimité pour le prix d’un.

Mais je vous vois venir : «  4 fiancées à appeler, c’est chiant » ; effectivement, c’est chiant, vous avez raison. Heureusement que l’option Fatwa est là pour vous sauver la vie : les femmes n’auront pas le droit d’utiliser le téléphone ! Et les avantages ne s’arrêtent pas là ; en effet la carte Fatwa est valable pour la télécommande, la voiture et l’ordinateur (du moins pour accéder à internet, les ispices di counasses pourront toujours jouer au démineur). Votre budget se portera à merveille : plus besoin de rasoirs, plus besoin de costards pour aller travailler, un qamis et un sarouel feront l’affaire. Grâce aux mariages arrangés, vous n’aurez même plus besoin de vous ruiner dans des salons de thé et des restaurants pour charmer une demoiselle.

Vous profiterez de vos soirées foot avec potes sans être dérangés, vous apprécierez de conduire sans la crainte de tomber sur une femme qui roule trop lentement, vous jouirez d’une maison 4 fois plus propre, d’une vaisselle 4 fois plus éclatante et de repas 4 fois plus copieux. Votre vie sexuelle sera 4 fois plus épanouie avec au menu strip-burqa, sexe surprise ! (Où vous découvrez laquelle de vos 4 partenaires se cache sous la burqa, comme un kinder surprise quoi) et autres fivesome hallal.

Mesdames, soyez rassurées, vous aurez aussi vos avantages 

Vous n’êtes pas matinales, vous détestez vous réveiller tôt ? Pas de problème ! Grâce à une régime islamiste vous aurez tous les jours la chance de faire la grasse mat’ puisque vous ne travaillerez plus. Vous devez faire des courses ? On vous livre tout ça à domicile puisque vous ne pouvez plus conduire. Et même lorsque vous déciderez de sortir pour faire un tour, vous n’aurez plus besoin de passer des heures à vous maquiller ou  à vous coiffer : une burqa sur la tête et hop le tour est joué.

Vous aurez vos propres bus et vos propres trains, sans les gros connards qui viennent se coller à vous. Vous apprécierez des files d’attente plus réduites et 100% féminines. Vous bénéficierez pleinement de votre burqa power, qui vous assure des promenades tranquilles sans risque de vous faire siffler en pleine rue ou vous faire courser par un gros naze qui vous harcèle pour avoir votre numéro de téléphone. Grâce à la burqa vous serez débarrassées de la corvée poubelle (les éboueurs risqueraient de se tromper en vous prenant pour un vrai sac poubelle). Vous aussi vous profiterez de vos soirées avec vos 3 meilleures copines/co-épouses ; vous aurez le plaisir d’échanger vos plans cuisine, ménage, repassage… Vous pourrez même faire des concours de miss femme au foyer.

Je ne sais pas si j’ai été convaincant, mais voilà, c’était ma tentative de vous présenter les avantages d’un régime islamiste en Tunisie, histoire de vous faire un peu rêver, ou pas…

En attendant le prochain post, vous me dites si je vous emmerde ! 

La dictature bien pensante

juin 23, 2011

Je ne suis pas du genre à dire que rien n’a changé en Tunisie, on va dire que je suis plutôt partisan du « ça ne peut pas être pire qu’avant ». Je ne suis pas non plus du genre à m’offusquer pour la moindre petite connerie qui circule sur Facebook ou Twitter. J’estime (sans vouloir me vanter) que je suis assez calme sur le net – et Dieu sait qu’en général je ne le suis pas – par rapport à l’appréhension de l’actualité et de son traitement par certains internautes.

Mais s’il y a bien une chose qui me fait perdre mon calme, qui me donne envie de balancer mon ordinateur par la fenêtre, de saisir le cordon du chargeur, de faire un nœud coulant et de me pendre avec, c’est bien la démagogie exacerbée de certaines personnes. Ces personnes ne sont ni racistes, ni régionalistes, elles n’incitent pas à la haine au contraire leurs démarches sont salutaires, elles ne veulent que le bien et la fraternité, se battent pour des idées et des principes nobles, et pourtant elles sont insupportables.

Pourquoi tant de haine envers ces bisounours ? Justement parce que le monde des bisounours n’existe pas. Jusqu’à preuve du contraire, il n’y a ni altruisme spontané ni de vraie philanthropie sur les réseaux sociaux ; tout est histoire de compromis entre les limites raisonnables de ce que nous sommes, êtres faillibles et corruptibles, et ce que l’on veut paraître aux yeux d‘autrui. Mais ça, à la longue, on peut bien s’en accommoder. Ce qui est vraiment terrible c’est ce genre d’individus qui transcendent ces limites, se la jouent sauveurs providentiels détenteurs du grand savoir et qui, avec leurs prétendues sciences infuses, nous rabâchent les oreilles et les yeux à coups de tweets et de statuts moralisateurs. Ceux-là font sans doute partie de la catégorie la plus détestable.

D’ailleurs ces jours-ci nous avons l’illustration parfaite de ce genre de phénomène virtuel. Les tunisiens ont chopé une Botzari(s)te aigue et les TL tunisiennes se sont transformées en étendard du militantisme pour la cause de nos immigrés clandestins. Mais là n’est pas le problème, au contraire. Parler d’un fait d’actualité qui mêle l’aspect humanitaire et la dimension politico-sociale sur fond de quiproquo diplomatique est une chose plutôt intéressante. Défendre ces pauvres immigrés qui se sont malencontreusement retrouvés au milieu d’une récupération politique franco-tunisienne est une chose louable. Mais blâmer ceux qui ont fait le choix de ne pas en parler ou qui ont eu le malheur de tweeter quelque chose qui n’a pas de rapport avec l’affaire Botzaris est tout bonnement inadmissible.

Il faudrait que ces personnes comprennent que moi, petit internaute noyé dans le gigantisme de cet océan virtuel, je ne peux rien faire pour ces immigrés, que mes tweets ne vont pas faire basculer la balance en leur faveur. Il se peut aussi que d’autres personnes ne soient pas vraiment interpellées par le sort de ces immigrés. Ils se disent qu’ils ont leur lot d’ennuis et que Twitter n’est qu’un exutoire pour se couper du quotidien morne et non une tribune de militantisme. Mais au lieu de faire la part des choses et de s’occuper de leurs affaires, ces moralisateurs préfèrent persister dans ce matraquage à l’encontre des brebis galleuses qui refusent de se soumettre et de se conformer à leur sacro-sainte « lutte ».

Beaucoup de ceux qui se disent défenseurs de la libre parole et de l’émancipation de la pensée sont, sur Twitter et Facebook, de vrais petits tyrans en puissance. Leur crédo c’est « vous êtes libres de penser, mais uniquement comme moi ». Ils sévissent à coups de tirades démagos et de petites phrases aseptisées pour impressionner leur cinquantaine de followers, attirés frénétiquement par le retweet comme un clébard l’est par le cul d’une chienne.

Si l’on reproche aux autorités françaises et tunisiennes de manipuler ces pauvres migrants à des fins politiques, que dire de ceux qui profitent de cette affaire #Botzaris36 pour s’ériger comme défenseurs des droits de l’Homme, donneurs de leçons et pour engrener, en fin de compte, encore plus de followers sur Twitter ?

En attendant le prochain post, vous me dites si je vous emmerde !

Quand le Rock rate sa Révolution

juin 20, 2011

Note : J’ai écrit ce billet il y a quelques mois, à l’époque du FMG et malheureusement je n’ai pas eu le temps de le poster à cette époque. Ne me lynchez pas si vous trouvez qu’il est un peu biaisé. 

Les tunisiens on fait leur révolution au prix de leurs vies aspirant à un nouvel eldorado où égalité et dignité seraient des droits fondamentaux. Nul n’oserait remettre en cause cette affirmation. Et pourtant… Le vent révolutionnaire qui a soufflé sa brise de liberté aux quatre coins du pays faisant sauter tous les verrous d’une longue et douloureuse dictature de 23 ans, n’a pas suffit à dépoussiérer certains recoins où croupissent encore les infâmes créatures des temps anciens. On aura beau dire que la révolution fut une réussite – certes relative –  sur le plan politique,  pour ce qui est de la culture, tout reste à faire.

Et pour cause ! Certains personnages abusent de la notoriété qu’ils ont usurpé du temps de l’ancienne dictature, pour sévir, tels des mini tyrans, sur la scène musicale tunisienne, et plus particulièrement la scène Rock. Le théâtre de ces sévisses : le FMG (Festival Méditerranéen de la Guitare) et son grand manitou, un certain HH.

2004 est l’année de la naissance de cette manifestation culturelle. Je me souviens qu’à l’époque tous les métalleux tunisiens se frottaient les mains à l’annonce de la création de ce festival. Une lueur d’espoir s’était frayée un chemin pour atteindre les cœurs sombres et meurtris de tous ces jeunes chevelus suicidaires. Le temps des garages miteux et des caves emplies d’amiante était révolu : les Rockeurs avaient enfin la chance de se faire applaudir (ou plutôt de se faire huer) par un vrai auditoire.

Mais comme dans toutes les histoires qui commencent bien, il y a toujours un hic ou là en l’occurrence un HH.  Au hasard d’une rencontre, un ami avec lequel j’avais joué pendant quelques années, et qui avait depuis monté son groupe de Heavy Metal, me raconte l’expérience désagréable qu’il a vécu en allant auditionner pour le FMG. Premier détail hallucinant : les auditions sont payantes. Des groupes de jeunes gens venus de très loin, souvent en prenant les transports en commun, trainant leur lourd matériel de musique, payent une quittance de 5 dinars par membre pour se faire uniquement auditionner. Petite analogie pour illustrer le ridicule de cette situation,  imaginez un chef d’entreprise qui fait payer une somme d’argent aux candidats qui postulent pour un poste au sein de son entreprise « Votre CV est bien fournit, votre lettre de motivation est intéressante, on vous contactera. N’oubliez pas de payer ma secrétaire en sortant». Et le ridicule ne s’arrête pas là, oh que non. Les auditions sont ouvertes au public, mais à condition de payer la modique somme de 1 dinar ! A croire que tous les moyens sont bons pour faire du fric. Sans parler des choix arbitraires du « jury » lors de ces auditions, et autres méfaits qui vont de la programmation douteuse, aux calamités de la répartition des groupes (la dictature du IN et du OFF) en passant par les contrats non respectés. A cet égard je vous propose d’entendre les témoignages de certaines « victimes » du FMG.

Alors oui on peut s’offusquer et crier à l’abus de confiance, mais le constat reste tout aussi douloureux : ce sont ces mêmes groupes de jeunes assoiffés de gloire et de reconnaissance qui ont malencontreusement forgé la réputation de HH et son théâtre des horreurs. Dont hate the player, hate the game, ceux là qui ont vu leurs espérances bafouées, ont accepté dans un premier temps de payer pour auditionner et se sont tus lorsqu’ils ont par la suite été spoliés. Personne ne les a forcé à adhérer à ce système. HH a profité de la réalité de la scène Rock tunisienne au début de l’an 2000 : la dictature de la scène, confortée par de jeunes talents prêts à tout pour percer dans un contexte culturel gangréné par l’opportunisme mercantile.

La scène Rock, étendard de la contestation et du militantisme est réduite en Tunisie à être le cancre de la révolution. Le culte hégémonique de l’égo représenté non seulement par HH mais aussi par certains groupes « influents » qui trustent à outrance la scène tunisienne, doit, à mon avis, s’effacer pour laisser place au vrai esprit de groupe qui pourra assurer l’émancipation de la culture en Tunisie ; et des jeunes chevelus qui pourront un jour crier : le Rock est mort ! Vive le Rock !

En attendant le prochain post, vous me dites si je vous emmerde ! 

Plus jamais peur… plus jamais ça !

Mai 27, 2011

Entre le contexte délétère qui accompagne la mise en place des élections de la constituante, les tergiversations du gouvernement provisoire, le foisonnement polémique des médias, quoi de mieux que d’aller se changer les idées en allant mater une toile entre amis. Au programme : La Khawfa Baad El Yaoum / Plus jamais peur, le documentaire de Mourad Ben Cheikh (en voilà un extrait). Bon pour le changement d’idées on va dire que c’est plutôt raté. Faut croire que mon coté maso d’esclave de l’actualité, me dicte même mes choix cinématographiques.

Enfin bref, je rentre dans une salle pauvrement garnie, les lumières s’éteignent et comme dirait la voix off des reportages à deux balles de TF1 « et là, c’est le drame ». Non là, je vous l’accorde, je fais ma langue de pute. C’est réellement au bout de la première demi-heure que j’ai vraiment ressenti le drame filmique. Vous l’aurez compris ce docu ne rentrera pas dans mon Panthéon de grands chefs-d’oeuvre cinématographiques, mais bon je ne vais quand même pas me confiner à une conception manichéenne de la chose. Donc je commencerai par les aspects positifs.

D’abord je salue l’effort apporté pour pondre une œuvre cinématographique en de si courts délais et dans des conditions vraiment rudes. J’imagine qu’en ces temps de crise, monter un documentaire qui tourne autours de la révolution tunisienne n’est pas chose facile à mettre en place. Le deuxième point positif est sans conteste les 30 premières minutes du film. Le réalisateur nous projette bien dans cette atmosphère de doute et de chaos ambiant, illustrée par ces comités de quartier qui guettent toute présence suspecte, partageant autours d’un feu, les méandres de leurs pensées qui mêlent craintes et aspirations. Le montage d’images filmées par la caméra du réalisateur et les séquences d’archives, offre dans cette première partie, une perspective intéressante sur le déroulement des événements. La rythmique crescendo qui accompagne ce flux d’images, certes âpres, mais gorgée d’espoir, rend l’expérience encore plus prenante.

Et puis vint le détail symptomatique, l’acte quasi pavlovien qui dénote de mon irrémédiable lassitude : vérifier le nombre de minutes égrenées depuis le début de la séance. J’ai tout de suite su que cette relation éphémère qui s’était créée entre moi, cinéphile du dimanche, et cette œuvre filmique postrévolutionnaire, allait s’évanouir comme le bout de PQ accroché à la paroi des W.C., qui se dissout à vue d’œil en entrant inévitablement en contact avec le jet d’urine (je m’excuse auprès de la gente féminine qui ne peut connaître cette expérience unique).

Là, ça a vraiment été le drame ! Ce qui faisait l’attrait du documentaire s’est transformé en supplice. La cadence s’enraye, caractérisée par un rythme lent et saccadé imprégnant la mouvance scénique. Les points d’ancrage et les repères temporels se liquéfient les uns après les autres dans la dissonance des enchainements. Je tente malencontreusement de m’accrocher aux indicateurs temporels affichés à l‘écran, vainement, sans réel succès. Ce qui au début était une corrélation cohérente d’images, devient un enchevêtrement de représentations stéréotypées, dénuées de sens.

La contextualisation lacunaire du doc s’accompagne d’interventions et de témoignages, qui manquent cruellement de pertinence. Entre le vis ma vie de Hamma Hammami et Radhia Nasraoui, les anecdotes de Lina Ben M’henni – qui nous montre qu’elle est une vraie bloggeuse, en passant les trois quarts du doc à surfer sur le net – et la présence superflue et superficielle du journaliste Karem Cherif, le film présente une vision assez cloisonnée et un angle cloisonnant de la sphère socio-politique tunisienne. Nul doute que ces personnes s’inscrivent formidablement dans une démarche louable au sein de leurs domaines respectifs, et je ne me permettrai pas de dénigrer ce qu’ils font au quotidien, j’estime juste que leurs interventions ne catalysent pas les fondements de la thématique abordée.

On ne peut malheureusement pas se targuer d’entreprendre un projet filmique qui décortique les travers de la révolution tunisienne et le changement de paradigme de la pensée sociale, en se confinant dans des détails personnels pompeux, s’accrochant à un fil narratif dénotant d’une représentation pseudo artistique, surjouée sur la forme et lassante sur le fond, au détriment d’une construction filmique pragmatique. Je ne vais pas vous mentir, je me suis bien ennuyé sur les trois quarts du film, si bien qu’à la fin j’ai eu envi de rompre le silence de la salle en criant « plus jamais ca ! ».

Bien évidemment, la critique est toujours la voie de la facilité.  Mais bon, on s’est bien battu pour avoir le droit à la critique, tous nos cinéastes tunisiens en conviendront, non ?

En attendant le prochain post, vous me dites si je vous emmerde ! 

*Crédit photo : affiche officielle du film Plus jamais peur

Ce parti a tout d’un grand ! – Pas assez cher mon fils

Mai 4, 2011

Mais que faut-il pour faire de la politique ? Le sens de l’opiniâtreté, le pragmatisme des idées, la pertinence des propositions, le tout combiné dans un programme subtilement ficelé. Okay, ça c’est pour la théorie. D’un point de vue pratique, la politique c’est faire des promesses d’un monde meilleur, fait de smicards qui ont le même niveau de vie que des mecs qui roulent dans de gros 4×4, de gens qui prennent les transports en commun, sourires aux lèvres, d’administrations qui subviennent à vos requêtes en moins de 24 heures. Bref un monde qui ferait même rêver les Bisounours.

En Tunisie personne ne nous a fait miroiter ce monde emplis de bonheur et d’espoir, et pour cause, on nous a juste fait croire que nous vivions déjà dans ce pays des merveilles. Mais le tunisien n’est pas dupe, oh que non ! Il nous a fallu 23 ans, seulement, pour découvrir cette réalité du Big Brother politico-policier (comparés aux Libyens ou aux Yéménites, on peut dire qu’on est vraiment des flèches) et avoir le courage de botter les fesses du méchant dictateur hors de nos terres. Enfin, tout ça pour dire que la politique au sens démocratique, est une notion qui jusqu’à quelques mois nous était vraiment étrangère.

Après une lutte âpre et acharnée, le peuple tunisien a gagné le droit de se voir faire des promesses et des engagements qui seront peut être respectés (ou pas), mais là n’est pas le propos de ce post. Ce qui me taraude vraiment dans cette nouvelle perspective politique c’est la question de l’identification. Dans le contexte actuel, est-ce que nous nous identifions aux partis pour leurs idées ou juste pour l’aura qu’ils dégagent ?

J’ai eu cette interrogation juste après l’émergence sur la scène politique du parti AFEK TOUNES. Je dois l’avouer j’ai découvert ce parti par hasard, au creux d’un page Facebook, et ce car leur logo avait attisé ma curiosité du fait  de sa différence par rapport à certaines identités visuelles « classiques » (pour ne pas dire archaïques) d’autres partis politiques tunisiens. Croyant d’abord avoir affaire à une initiative citoyenne, j’ai découvert par la suite de réelles aspirations et un vrai programme politique (véracité dans la conception politique du programme, je ne parle pas là des idées qu’il porte).

Après quelques discussions pour sonder les avis concernant ce parti, le constat était clair : AFEK (qui, soit dit en passant, n’est pas un acronyme) séduit de par ses propositions et ses idées de fond, mais dérange par son coté élitiste de grands businessmen et autres membres de l’ATUGE. La forme serait elle, dans ce cas là,  plus importante que le fond ? C’est d’ailleurs là toute la question de l’identification politique. Mettre les bouchées double niveau moyens logistiques serait mal perçu par l’auditoire tunisien. L’optique de AFEK de faire de la politique comme l’on ferait de la pub, en usant de techniques dignes de stratégies marketing, un branding tape à l’œil et autres accroches sémantiques, ne seraient pas un moyen efficient pour atteindre le cœur des tunisiens. Mais ce n’est pas tout ! Comme je le disais un peu plus haut, la répulsion viendrait de la connotation élitiste de ce parti, connotation portée par certains membres auxquels on reproche d’être issus de la jeunesse dorée de ce pays et donc forcément de ne pas connaître les réelles difficultés de ceux qui sont au plus bas de l’échelle sociale.

Mais peut on reprocher aux membres de AFEK de vouloir user de leurs réussites personnelles et leur influence comme instrument de réalisation d’objectifs louables ? Apparemment pour certains le fait de porter un costume Armani ou un tailleur Chanel est une raison suffisante pour ne pas s’identifier aux idées d’un parti politique. Le parfait exemple de cette idée de l’identification est sans nul doute illustrée par le parti Ennahda (serait-ce le nouveau point Godwin de la vie politique tunisienne). Usant à outrance de techniques marketing qui ferait pâlir plus d’un publicitaire (premier parti à faire de la pub sur Facebook), organisant des meetings aux moyens faramineux et  distribuant à foison drapeaux et autres casquettes et T-shirts, ce parti n’a pourtant pas l’air de trouver des difficultés en matière d’identification.

Ce que l’on reproche à AFEK en termes de moyens techniques d’influence, peut très bien être reproché à Ennahda et pourtant la question ne se pose pas. A croire qu’il est plus facile de s’identifier à un parti présidé par un gars qui s’habille aussi mal que Rached Ghannouchi que de prendre au sérieux les idées d’un mec tiré à quatre épingles. Ceci étant, le cas inverse est tout aussi vraisemblable, avec certaines personnes qui adhérent à un parti, car représenté par une idéologie élitiste (à tort ou raison) et dont le faste et la culture de l’apparat serait le réel moteur de cette adhésion. D’ailleurs à cet égard je n’ai aucun doute sur les vraies motivations de certains qui disent partager les idées de AFEK mais qui au fond adhérent à ce parti pour ce qu’il dégage comme image « in »  et branchée sur une time line Facebook ou Twitter.

Bien évidemment l’exception qui confirme la règle est représentée par nos amis les communistes qui auront beau mettre leurs habits miteux et arborer leurs portraits de Staline qui puent la naphtaline (ça rime en plus), ils auront toujours du mal à véhiculer leurs idées « révolutionnaires » et à bénéficier d’une identification auprès du peuple.

Il est clair que dans le contexte actuel, la Tunisie n’est qu’aux balbutiements de la vie politique. J’estime qu’il nous faudra à tous un peu de temps pour cerner tous les aspects de cette perspective politicienne pour enfin juger un parti pour le programme qu’il porte et non pour le coté pratique d’une garderie d’enfants à l’entrée de son grand meeting.

En attendant le prochain post, vous me dites si je vous emmerde ! 

Le Bon, la Brute et le Symbole

avril 26, 2011

Alors oui par ces temps qui courent et dans ce contexte d’euphorie révolutionnaire, le peuple tunisien se retrouve dans une nouvelle perspective qu’il ne soupçonnait pas (ou qu’il n’aurait jamais osé soupçonner, dictature oblige) du temps du méchant oppresseur.

Entre les opinions politiques ponctuées d’acronymes aussi difficiles à retenir qu’à prononcer (non mais sérieusement c’est POCT ou PCOT ?), les théories religieuses à deux balles étayées par une connaissance approximative de versets coraniques et autres hadiths (que celui qui n’a jamais utilisé dans une discussion un hadith appris au lycée en cours d’étude religieuse, me jette la première pierre), ou encore les solutions miracles à tous les maux de la société (non mais en attend quoi pour s’aligner sur le SMIC français ?), le tunisien s’est découvert une réelle vocation : celle de l’orateur qui du haut d’un siège de bureau, d’un tabouret de bar ou même d’un bout de trottoir de l’avenue HB, prône telle décision, réfute telle allégation, s’indigne face à tels méfaits.

Mais en dépit de cette effervescence d’avis et d’opinions, un sujet unique tire son épingle du jeu et s’impose d’emblée comme point focal de toutes les attentions : la lutte idéologique des méchants à barbes contre les mécréants imberbes. Il est évident que le sujet déchaine les passions en suscitant vives polémiques et réactions, et c’est tout à fait compréhensible : les tunisiens s’intéressent de près à une thématique vraisemblablement décisive quant à l’avenir de leur pays. Mais comme j’estime que ça a été traité sous toutes les coutures, j’ai opté pour le choix douloureux de ne pas faire comme tout le monde et donc je n’aborderai pas ce sujet (oui c’est comme ça, ce post se veut pseudo anticonformiste, et si t’arrives pas à comprendre ça, c’est que t’es trop mainstream, non mais !). Du coup mon attention s’est portée sur une toute autre problématique, celle de la sacralisation, ou pas, de Mohamed Bouazizi.

Je m’excuse au préalable auprès du mec qui se réveille après 6 mois de coma, chope son ordinateur et tombe, par je ne sais quel miracle, directement sur ce post, mais je vais éviter de ressasser tous les rappels historiques et considérer que tout le monde connaît le bonhomme.

Ce petit gars qui voulait vendre sa marchandise, peinard, sans se faire emmerder par les flics est devenu héro malgré lui. Sans vouloir faire de mauvais jeux de mots, l’histoire retiendra peut être qu’il fut l’étincelle qui embrasa tout un régime corrompu, le carburant qui attisa la flamme de la dignité du peuple… bon j’arrête les métaphores pompeuses, enfin bref qu’il fut l’instigateur d’un fabuleux soulèvement populaire. Je dis peut être car l’encre de l’histoire n’est pas encore sèche, et contre toute attente, de plus en plus de personnes brandissent leurs tubes de Blanco ou imbibent de salive les extrémités bleues de leurs gommes (est-ce que ce truc marche vraiment ?) pour effacer ces lignes fraichement apposées de l’histoire de la révolution tunisienne.

La problématique suppose un rapport de divergence entre deux visions : celle d’un Bouazizi héroïque, qui d’un geste hautement symbolique, sacrifie son existence pour faire valoir les droits de tout un peuple ou celle d’un Bouazizi  qui n’a joué qu’un rôle minime dans cette révolte, comparé aux  « vrais » martyrs qui sont tombés sous les balles. Celui qui faisait l’unanimité dans le cœur de tous les tunisiens au lendemain d’un 14 janvier riche en émotions, est désormais contesté. Encore plus surprenant, les critiques ne se limitent plus à cet acte d’immolation, et s’attaquent à la personnalité même de Bouazizi, le taxant de brute épaisse, arguant que son immolation serait uniquement du fait de sa frustration misogyne.

Personnellement je trouve que le débat est malsain de part et d’autre. Entre la sacralisation zélée du symbole et le dénigrement outrancier de la personne, j’estime qu’il y a une part un peu trop grande d’exagération. Il n’est même pas question de concilier entre les deux visions tant les avis divergent vers des directions diamétralement opposées.

Sanctifier Bouazizi et le placer en haut d’une hiérarchie de symboles serait une voie de cloisonnement et une dérive vers une représentation réductrice de la révolution où prévaut  le culte stéréotypé de la haute figure sacrée, à l’instar d’un François Mitterrand par exemple, dont le culte inhibe le Parti Socialiste Français dans sa quête de la présidence, et ce depuis une quinzaine d’années. Dénigrer la personnalité serait inapproprié, car qui peut vraiment prétendre connaître les traits de caractère de Bouazizi hormis ses amis et les membre de sa famille. Et encore, je doute que ces derniers soient en mesure d’affirmer avec certitude les vraies intentions de leur regretté, alors que certains s’adonnent à cœur joie à des descriptions acerbes et infondées de sa personnalité.

Pour ma part, si je devais faire un choix entre ces deux conceptions et bien c’est sans aucune hésitation que je m’abstiendrais de la faire. Non mais sérieusement le sujet fait appel à une interprétation subjective qui ne se base aucunement sur une vérité immuable.

Alors que l’on veuille balancer sur Youtube une vidéo où l’on crie haut et fort « leave Bouazizi alone », ou que l’on préfère se contenter de l’idée que Bouazizi n’est pas à la hauteur de la symbolique qu’on lui prête, une chose est sure : la burqa est un outil d’oppression des femmes, et ça au moins, ça a le mérite d’être clair, non ?

En attendant le prochain post, vous me dites si je vous emmerde !