Plus jamais peur… plus jamais ça !

Entre le contexte délétère qui accompagne la mise en place des élections de la constituante, les tergiversations du gouvernement provisoire, le foisonnement polémique des médias, quoi de mieux que d’aller se changer les idées en allant mater une toile entre amis. Au programme : La Khawfa Baad El Yaoum / Plus jamais peur, le documentaire de Mourad Ben Cheikh (en voilà un extrait). Bon pour le changement d’idées on va dire que c’est plutôt raté. Faut croire que mon coté maso d’esclave de l’actualité, me dicte même mes choix cinématographiques.

Enfin bref, je rentre dans une salle pauvrement garnie, les lumières s’éteignent et comme dirait la voix off des reportages à deux balles de TF1 « et là, c’est le drame ». Non là, je vous l’accorde, je fais ma langue de pute. C’est réellement au bout de la première demi-heure que j’ai vraiment ressenti le drame filmique. Vous l’aurez compris ce docu ne rentrera pas dans mon Panthéon de grands chefs-d’oeuvre cinématographiques, mais bon je ne vais quand même pas me confiner à une conception manichéenne de la chose. Donc je commencerai par les aspects positifs.

D’abord je salue l’effort apporté pour pondre une œuvre cinématographique en de si courts délais et dans des conditions vraiment rudes. J’imagine qu’en ces temps de crise, monter un documentaire qui tourne autours de la révolution tunisienne n’est pas chose facile à mettre en place. Le deuxième point positif est sans conteste les 30 premières minutes du film. Le réalisateur nous projette bien dans cette atmosphère de doute et de chaos ambiant, illustrée par ces comités de quartier qui guettent toute présence suspecte, partageant autours d’un feu, les méandres de leurs pensées qui mêlent craintes et aspirations. Le montage d’images filmées par la caméra du réalisateur et les séquences d’archives, offre dans cette première partie, une perspective intéressante sur le déroulement des événements. La rythmique crescendo qui accompagne ce flux d’images, certes âpres, mais gorgée d’espoir, rend l’expérience encore plus prenante.

Et puis vint le détail symptomatique, l’acte quasi pavlovien qui dénote de mon irrémédiable lassitude : vérifier le nombre de minutes égrenées depuis le début de la séance. J’ai tout de suite su que cette relation éphémère qui s’était créée entre moi, cinéphile du dimanche, et cette œuvre filmique postrévolutionnaire, allait s’évanouir comme le bout de PQ accroché à la paroi des W.C., qui se dissout à vue d’œil en entrant inévitablement en contact avec le jet d’urine (je m’excuse auprès de la gente féminine qui ne peut connaître cette expérience unique).

Là, ça a vraiment été le drame ! Ce qui faisait l’attrait du documentaire s’est transformé en supplice. La cadence s’enraye, caractérisée par un rythme lent et saccadé imprégnant la mouvance scénique. Les points d’ancrage et les repères temporels se liquéfient les uns après les autres dans la dissonance des enchainements. Je tente malencontreusement de m’accrocher aux indicateurs temporels affichés à l‘écran, vainement, sans réel succès. Ce qui au début était une corrélation cohérente d’images, devient un enchevêtrement de représentations stéréotypées, dénuées de sens.

La contextualisation lacunaire du doc s’accompagne d’interventions et de témoignages, qui manquent cruellement de pertinence. Entre le vis ma vie de Hamma Hammami et Radhia Nasraoui, les anecdotes de Lina Ben M’henni – qui nous montre qu’elle est une vraie bloggeuse, en passant les trois quarts du doc à surfer sur le net – et la présence superflue et superficielle du journaliste Karem Cherif, le film présente une vision assez cloisonnée et un angle cloisonnant de la sphère socio-politique tunisienne. Nul doute que ces personnes s’inscrivent formidablement dans une démarche louable au sein de leurs domaines respectifs, et je ne me permettrai pas de dénigrer ce qu’ils font au quotidien, j’estime juste que leurs interventions ne catalysent pas les fondements de la thématique abordée.

On ne peut malheureusement pas se targuer d’entreprendre un projet filmique qui décortique les travers de la révolution tunisienne et le changement de paradigme de la pensée sociale, en se confinant dans des détails personnels pompeux, s’accrochant à un fil narratif dénotant d’une représentation pseudo artistique, surjouée sur la forme et lassante sur le fond, au détriment d’une construction filmique pragmatique. Je ne vais pas vous mentir, je me suis bien ennuyé sur les trois quarts du film, si bien qu’à la fin j’ai eu envi de rompre le silence de la salle en criant « plus jamais ca ! ».

Bien évidemment, la critique est toujours la voie de la facilité.  Mais bon, on s’est bien battu pour avoir le droit à la critique, tous nos cinéastes tunisiens en conviendront, non ?

En attendant le prochain post, vous me dites si je vous emmerde ! 

*Crédit photo : affiche officielle du film Plus jamais peur

Étiquettes : , , , , , , , , ,

Laisser un commentaire